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Cahiers LandArc 2018 - N°28
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Les boucles d’oreilles en forme
de croissant à l’époque mérovingienne
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Les boucles d’oreilles en forme de croissant à
l’époque mérovingienne : relecture de ce type de
pendants à l’échelle du sud-ouest de la Gaule
Sabine Méry (1)
Mots-clés :
Gaule, boucles d’oreilles, pendants, croissant, type hunnique, hommes, guerriers, mérovingien.
Keywords:
Gaul, earrings, crescent, Hunnic type, men, warriors, Merovingian period.
Résumé :
Des anneaux en forme de croissant, retrouvés à hauteur des oreilles des défunts, datés de l’époque altomédiévale, ont été mis au jour partout en Europe. Ils semblent plus particulièrement présents dans les
sépultures masculines. L’historiographie les associe souvent à un attribut de l’aristocratie militaire vivant
dans le bassin du Danube moyen aux Ve et VIe siècles. La réalisation d’un mémoire de Master, portant
sur les boucles d’oreilles mérovingiennes mises au jour dans le quart sud-ouest de la Gaule, a permis de
renouveler une étude vieille de plus de vingt ans. Cinq exemplaires en forme de croissant ont été étudiés
dans le cadre de ce mémoire de recherche, et ont été remis en contexte, à l’échelle de la Gaule, voire
de l’Europe. Cette étude de cas a nuancé la problématique du « gender », et du fait d’associer un type de
bijoux d’oreilles à un sexe particulier ou une catégorie sociale spécifique.
Abstract:
Crescent rings found near the deceased’s ears, from the Merovingian period, have been excavated
everywhere in Europe. They seem more presents in the men graves. The historiography links them with
aristocracy’s members, living in the middle Danube basin in the fifth and sixth centuries. A dissertation about
the Merovingian earrings discovered in the south-west quarter of Gaul helps us to renew a twenty-eight-yearold study. Five crescent shape earrings have been studied for this thesis and set in the context of Gaul and
Europe scale. This case study nuances the “gender” question and the association of an earring type and a
particular sex or a specific social group.
.............................................................
(1) Etudiante en classe préparatoire au concours de conservateur du patrimoine à l’Ecole du Louvre.
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CONTEXTE DE DÉCOUVERTE
Dans le cadre d’un mémoire de recherche portant sur les
boucles d’oreilles alto-médiévales mises au jour dans le
quart sud-ouest de la Gaule(2), l’étude de 69 exemplaires,
découverts depuis le XIXe siècle dans 50 sépultures
des régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, a permis de
reprendre une étude ancienne, celle des boucles d’oreilles
mérovingiennes en Gaule, seuls éléments de parure qui
nécessitent de modifier le corps afin de pouvoir les porter.
Cela faisait 28 ans que les données issues de la thèse de
Dominique de Pirey(3) étaient réutilisées, notamment dans les
rapports de fouilles archéologiques, sans être véritablement
renouvelées. De plus, ce travail est, à l’origine, consacré au
nord du pays. Aucune analyse des bijoux d’oreilles n’avait
concerné exclusivement le quart sud-ouest.
Cet article s’intéresse aux cinq pendants en forme de croissant
examinés au cours de cette recherche. Ils ont été découverts
à Saint-Laurent-des-Hommes (Dordogne), à Toulouse (HauteGaronne) et au Vernet (Haute-Garonne), dans le cadre de
fouilles préventives.
Dans les années 1990, un projet de réaménagement
architectural et muséographique a été proposé au musée
Saint-Raymond de Toulouse. Le but était de rendre accessible
au public les sous-sols du musée. Préalablement à cela, un
diagnostic archéologique, dirigé en 1992 par Evelyne
Ugaglia et qui s’est révélé positif, a déclenché, de 1994
à 1996, une fouille de sauvetage programmée des deux
caves du bâtiment, faite par Jean-Charles Arramond, membre
de l’AFAN à cette époque(4). Les archéologues mirent alors
au jour une partie d’une nécropole liée à l’édification de la
première basilique funéraire, élevée en l’honneur de Saturnin,
évêque de Toulouse martyrisé en 250 après J.-C.(5). Cette
première basilique serait localisée sous la basilique actuelle
de Saint-Sernin. Sa construction a été achevée au début du
Ve siècle. L’emprise de la fouille, située à une centaine de
mètres au sud de l’édifice religieux, a révélé 95 sépultures,
disposées à cet endroit entre le IVe et VIe siècle (Fig. 1).
Les restes de 79 individus ont été exhumés, contenus soit
dans des sarcophages, soit dans des cercueils. Les restes
d’enfants ont parfois été retrouvés dans des amphores
ou des coffres de briques. Les fouilleurs ont déterminé la
présence d’au moins 26 adultes et 21 immatures. Un four
à chaux s’est implanté parmi les sarcophages au Ve ou au
VIe siècle. Il a certainement été mis en place pendant les
travaux de construction de la basilique. Après son utilisation,
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Fig. 1 – Plan de l’évolution de la nécropole du musée Saint-Raymond.
En rouge est encadrée la sépulture dans laquelle la boucle d’oreille a
été découverte. (Source : Cazes et Arramond 1997, p. 45).
il a été comblé par quatre sarcophages en calcaire. Les
structures sont globalement toutes orientées. Les dépôts
funéraires retrouvés dans les tombes furent rares. Il s’agissait
essentiellement de mobilier céramique. Malgré tout, une
boucle d’oreille en forme de croissant a été mise au jour
dans le cercueil 509, au nord-est des caves.
Dans la commune du Vernet, le tracé d’une déviation
de la Route Nationale 20 a conduit à la mise en place
d’une opération de diagnostic archéologique au lieu-dit
« Le Mouraut » en 2003. Les résultats de cette intervention
archéologique furent suffisants pour motiver à cet
emplacement une fouille préventive, du 12 juillet au 17
septembre 2004 et du 14 février au 11 mars 2005, sous
la direction de Didier Paya(6). 316 tombes ont été fouillées,
sur trois niveaux de sépultures, disposés en rangées et de
.............................................................
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
Méry 2017, sous la direction d’I. Cartron.
Pirey 1989.
Arramond 1997, p. 1-2.
Ugaglia et al. 1992, p. 1.
Paya 2014.
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façon orientée de part et d’autre d’un chemin. Les tombes
contenant du mobilier lié à la parure représentaient 40 %
de l’effectif global de la nécropole. En tout, 18 boucles
d’oreilles ont été mises au jour dans 12 tombes du Vernet
(Fig. 2). Trois anneaux en forme de croissant ont été prélevés
dans les sépultures 102, 217 et 267.
Fig. 3 – Plan de la nécropole de Belou Nord à Saint-Laurent-desHommes. En vert ont été identifiées les sépultures qui contenaient des
boucles d’oreilles. (Source : Scuiller et Calmettes 2015, p. 117).
Fig. 2 – Plan de la nécropole du Mouraut au Vernet. En vert ont été
identifiées les sépultures qui contenaient des boucles d’oreilles.
(Source : Paya 2014).
Enfin, la fouille qui a eu lieu entre le 12 avril et le 1er
octobre 2010 au lieu-dit « Belou Nord », à Saint-Laurent-desHommes, dirigée par Christian Scuiller, a livré une nécropole
regroupant plus de 391 fosses(7). Les tombes sont presque
toutes orientées est-ouest et constituent des alignements de
rangées orientées dans le sens nord-sud. Quelques clous
et des traces de charbon de bois signalent la présence
de contenants dans certaines sépultures. Mais, à cause
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de l’acidité du sol, tous les squelettes ont disparu. Seul le
mobilier permet d’identifier le site comme étant un espace
funéraire. 133 sépultures contiennent du mobilier, ce qui
correspond à 34 % de la nécropole. Il s’agit d’éléments
vestimentaires ou de parure, des ustensiles de toilette, des
objets jugés plus « utiles », comme des fermoirs d’aumônières
ou des couteaux. La céramique, quant à elle, n’est disposée
que dans quelques rares fosses. Durant cette opération
archéologique, cinq sépultures ont livré un total de sept
boucles d’oreilles (Fig. 3), dont un anneau en forme de
croissant, découvert dans la tombe 1539.
.............................................................
(7) Scuiller et Calmettes 2015.
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DESCRIPTION DES OBJETS
Le Vernet (31)
Dans la tombe 102, une boucle d’oreille a été mise au jour
(Fig. 4). Localisé dans l’US 1358, cet isolat 1 se trouvait
à hauteur de l’oreille droite du défunt. Ce bijou, conservé
en un seul fragment, a été réalisé en alliage blanc(8). Sa
surface est très corrodée. Il s’agit d’un anneau ouvert(9) et de
section circulaire. Il mesure 1,4 centimètre de longueur et
1,12 centimètre de largeur. Cette boucle présente un léger
renflement au centre, épais de 2,9 millimètres, tandis que les
deux extrémités s’affinent. L’extrémité « supérieure » est plus fine
que l’extrémité « inférieure »(10), puisqu’elle a une épaisseur 0,5
de millimètre contre 1,3 millimètre de l’autre côté.
Fig. 5 – DAO de la boucle d’oreille de la sépulture 217 du Vernet.
© S. Méry.
Située dans l’US 1704, la boucle d’oreille présente dans
la sépulture 217 a reçu le numéro d’isolat 1 (Fig. 5). Une
partie de la surface du bijou est assez corrodée. Ce pendant
mesure 1,18 centimètre de longueur pour 1,21 centimètre
de largeur. L’anneau est fermé, lisse et de section circulaire.
Au centre, il y a un renflement épais de 2,8 millimètres, tandis
que les extrémités s’affinent pour ne faire qu’un millimètre de
calibre.
Fig. 4 – DAO de la boucle d’oreille de la sépulture 102 du Vernet.
© S. Méry.
Un anneau d’oreille en alliage blanc a été découvert dans
les sépultures 217 et 267 de cette même nécropole, à
hauteur de l’oreille gauche du défunt. Ces deux bijoux ont
été restaurés en 2007 par le laboratoire Matéria Viva de
Toulouse(11).
.............................................................
(7) Scuiller et Calmettes 2015.
(8) En l’absence d’analyses archéométriques, il est préférable d’employer
un système de description des matériaux plus neutre, tel que « or sans
analyse », ou en se fondant sur la couleur du matériau, « alliage blanc »
pour désigner l’argent et « alliage cuivreux » pour qualifier le bronze.
(8) L’anneau peut être dit « ouvert » ou « fermé ». Dans mon mémoire sur
les boucles d’oreilles, il a été décidé de recourir au mot « ouvert »
quand l’espace entre les deux extrémités de la boucle est suffisant pour
pouvoir le suspendre à son oreille, et « fermé » lorsqu’un écartement est
indispensable afin de permettre au lobe d’oreille de passer, c’est-à-dire
quelques millimètres.
(10) L’anneau possède deux extrémités, que j’ai appelé dans mon
mémoire « extrémité inférieure » et « extrémité supérieure ». Ces termes
ne se retrouvent jamais dans les descriptions de boucles d’oreilles, il
s’agit d’un choix personnel : l’extrémité supérieure est la plus fine des
deux, celle que l’on va enfiler dans le lobe de l’oreille ; l’extrémité
inférieure correspond à celle au bout de laquelle vient généralement
se positionner le pendentif.
(11) Informations obtenues auprès de D. Paya.
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Fig. 6 – DAO de la boucle d’oreille de la sépulture 267 du Vernet.
© S. Méry.
La troisième boucle d’oreille du Vernet présentée dans cet
article a été localisée dans l’US 1851 de la sépulture 267
et a reçu le numéro d’isolat 1 (Fig. 6). Ce bijou mesure
0,99 centimètre de longueur pour 1,3 centimètre de largeur.
Cet anneau est fermé, lisse et de section circulaire. Un
renflement de 3 millimètres d’épaisseur est présent au centre
du pendant. Les deux extrémités s’affinent pour n’atteindre
plus que 1,1 millimètre de calibre.
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Saint-Laurent-des-Hommes (24)
Parmi les trois éléments de mobilier mis au jour dans la
sépulture 1539 se trouvait un pendant, enregistré comme
« isolat 1 », découvert dans l’US 1895, à hauteur de l’oreille
gauche du défunt (Fig. 7). Il a reçu le numéro d’inventaire
« 02.5691/218.1.0.1».
Fig. 8 – DAO de la boucle d’oreille de la sépulture 509 du musée SaintRaymond. © S. Méry.
4,5 millimètres, tandis que les extrémités s’affinent pour ne
faire plus qu’un millimètre d’épaisseur.
Essai de restitution
Fig. 7 – DAO de la boucle d’oreille de la sépulture 1539 de SaintLaurent-des-Hommes. © S. Méry.
Retrouvé en un seul morceau, ce bijou est réalisé en alliage
blanc. Il mesure environ 1,4 centimètre de long pour 1,05
centimètre de large. L’extrémité conservée est épaisse de 1,9
millimètre, tandis que le renflement au centre de la boucle a
une épaisseur de 3 millimètres.
Il s’agit d’un anneau ouvert, lisse et de section circulaire,
avec un léger renflement au centre de la boucle. Les « pattes »
du pendant d’oreille s’affinent vers les extrémités. L’une de
ces dernières est manquante.
Toulouse (31)
Le pendant découvert dans les sous-sols du musée SaintRaymond est aujourd’hui conservé parmi les collections de
ce musée. Il est exposé au sous-sol même, où se trouve une
partie des vestiges des fouilles des caves, depuis l’ouverture
de ce niveau au public, à la fin des années 1990.
On constate que ces bijoux ont des extrémités beaucoup plus
fines que la partie centrale de l’anneau. Le pendant devait être
suspendu à l’oreille au niveau de l’angle formé par la patte la
plus fine du croissant et le début du renflement. En effet, il ne
paraît pas possible que ce dernier se soit trouvé inséré dans le
lobe d’oreille : d’une part, en mesurant jusqu’à 4,5 millimètres
de calibre dans le cas de celui de Toulouse, il aurait fortement
déformé cette région du corps, d’autre part, cette épaisseur
est trop importante pour que la boucle d’oreille ait pu rester
accrochée en équilibre. Afin d’éviter que le bijou ne bouge trop
et que le frottement ne provoque une sensibilité de l’oreille ou
une infection, il semble préférable qu’il soit retenu par l’angle
formé par la patte la plus fine et le départ de la partie bombée
de l’anneau. En revanche, rien ne permet de déduire si cet
élément de parure était destiné à être porté de manière à ce
que le renflement soit positionné vers l’avant ou vers l’arrière de
l’oreille (Fig. 9). Cela pouvait dépendre de la symbolique du
port et de la préférence de son propriétaire.
Cette boucle d’oreille (Fig. 8) mesure 1,18 centimètre de
longueur pour 1,35 centimètre de largeur. Elle est faite à
partir de plusieurs matériaux différents. En effet, l’âme en
alliage cuivreux a été recouverte d’une feuille d’alliage
blanc, elle-même recouverte d’une feuille d’or. Des traces de
ces superpositions sont encore bien visibles, même si le bijou
semble très corrodé.
Le pendant est un anneau ouvert, lisse et de section
circulaire. Il présente un renflement au centre d’un calibre de
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Fig. 9 – Essai de restitution du port des boucles d’oreilles en forme de
croissant. © S. Méry.
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ANALYSE
Les bijoux qui viennent d’être présentés sont connus sous le
nom de « boucles d’oreilles de type croissant » ou « anneaux
d’oreilles de type unitaire, hunnique, nomade ou assimilé »,
selon la typologie mise en place par René Legoux, Patrick
Périn et Françoise Vallet. Dans cette dernière, ces artefacts
sont regroupés dans le modèle 300(12).
Dans la synthèse des fouilles menées sur la nécropole de
Saint-Martin-de-Fontenay(13), dans le Calvados, dirigée par
Christian Pilet, Michel Kazanski a réalisé une étude sur les
éléments ayant traits à la « mode danubienne » mis au jour
sur ce site(14). Ce dernier y consacre alors toute une partie
aux pendants en forme de croissant, afin d’interpréter la
présence de l’un d’entre eux dans la sépulture 719 de ce
chantier archéologique(15). Pour cela, il renvoie à un ouvrage
de Joachim Werner, publié en 1956, intitulé Beiträge zur
Archäologie des Attila-Reiches. Cette étude sur la culture
matérielle de « l’Empire d’Attila » dénombre 17 sites, répartis
entre le Kazakhstan occidental et la Bourgogne, où ce type
de boucles d’oreilles de type nomade, à la partie médiane
renflée, a été découvert. M. Kazanski a actualisé cette carte,
qui compte alors 66 sites en 1994. L’auteur a également
repris la chronologie et les modes de diffusion proposés pour
les boucles d’oreilles de type unitaire.
Les différents auteurs ayant travaillé sur ce thème(16) donnent à
cette catégorie de bijoux une origine orientale, parce que les
exemplaires les plus orientaux d’Europe occidentale ont été
mis au jour en Russie, notamment en Sibérie, dans le Caucase
et en Crimée. On en retrouve également au Moyen Orient,
particulièrement en Syrie, au Liban et en Mésopotamie. Ces
pendants auraient circulé au fil des déplacements de tribus
nomades en Europe, à la fin de l’Antiquité et au début du
Moyen Âge. Les deux chercheurs ont eu du mal à déterminer
de quel(s) peuple(s) pouvaient dépendre ces tribus. Selon
eux, il s’agirait peut-être de fractions d’Alains ou de Huns,
provenant des steppes pontiques et du nord du Caucase,
voire même d’une mode ponto-danubienne plutôt que d’une
véritable installation de ces peuples de l’Est(17).
Les boucles d’oreilles en forme de croissant ont une datation
large, qui varie selon les zones géographiques. M. Kazanski
a déterminé trois groupes chronologiques distincts quant à
ces éléments de parure. Il y aurait tout d’abord une première
vague, entre le Ier et le IVe siècle de notre ère, localisée
au Moyen Orient, d’où ce modèle serait donc peut-être
originaire. Entre la fin du IVe siècle et la première moitié du Ve
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siècle, les pendants répertoriés sont plus nombreux. En pleine
période de « Grandes Migrations », ces bijoux se propagent
en Europe, notamment grâce aux Alains et aux Huns venus
des steppes du Caucase. Mais, pour l’auteur, ces peuples
n’ont pas apporté directement ce modèle de pendants en
Europe. Selon lui, lorsque ces derniers se sont installés dans
le bassin du Danube moyen, les différents autochtones ont
alors adopté leurs coutumes et les boucles d’oreilles en
forme de croissant à la mode « danubienne », sans qu’il ne
soit possible de déterminer quelle peuplade fut à l’origine
de cela. Enfin, dans une phase appelée « post-hunnique »,
datée entre le milieu du Ve siècle et le VIIe siècle, cette forme
de pendants est mise au jour sur une zone géographique
s’étendant de la Sibérie occidentale jusqu’à la Gaule.
Même s’il ne mentionne aucun peuple en particulier, M.
Kazanski souligne simplement que les personnes vivant
dans le bassin du Danube moyen aux Ve et VIe siècles
faisaient partie du milieu militaire de cette région, aux
origines hétérogènes. Ce sont eux, ou cette mode seule(18)
qui, plus tard, ont migré en Europe occidentale au moment
des « invasions barbares ». À l’époque de la parution de sa
synthèse, M. Kazanski constate que ce modèle de pendant
n’a été mis au jour que dans des « sépultures masculines »,
et qu’il faut donc supposer que ces bijoux « font partie d’une
mode militaire qui témoigne de la survivance des traditions
vestimentaires de l’armée romaine barbarisée »(19).
Le problème est qu’à Saint-Laurent-des-Hommes, les squelettes
n’ayant pas été conservés à cause de l’acidité du sol, il n’est
pas possible de savoir si cette boucle d’oreille en forme de
croissant concernait un homme ou une femme. A Toulouse,
le défunt de la tombe 509 est un enfant « pré-pubère »(20),
mais sans indice distinct quant à son sexe. Les trois sépultures
du Vernet, quant à elles, renfermaient les squelettes de trois
hommes décédés entre « 10 et 19 ans » (tombe 102), vers
.............................................................
(12)
(13)
(14)
(15)
(16)
(17)
(18)
(19)
(20)
Legoux et al. 2016.
Pilet et al. 1994.
Pilet et al. 1994, p. 96-111.
Pilet et al. 1994, p. 105-111.
Voir également Petitjean 1989, p. 110, où un anneau en forme
de croissant a été mis au jour dans la nécropole mérovingienne de
Joches (Marne).
Pilet et al. 1994, p. 110.
Cette interprétation n’est possible que si l’on réalise des études
anthropologiques poussées, utilisant notamment l’ADN.
Pilet et al. 1994, p. 111.
Arramond, 1997, p.26.
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« 10-14/15 ans » (tombe 217) et à « plus de 30 ans » (tombe
267)(21). Le sexe est difficile à déterminer chez les enfants et
adolescents ; de ce fait, rien ne prouve que la détermination
sexuelle des deux plus jeunes défunts ne se soit pas faite
grâce à la présence des anneaux en forme de croissant
plutôt qu’à partir des données ostéologiques. Par ailleurs,
le sexe de la personne inhumée dans la sépulture 719 de
Saint-Martin-de-Fontenay lui-même n’a pas pu être déterminé
et, comme le pendant d’oreille est le seul élément de mobilier
présent dans la tombe, rien ne permet de faire pencher la
balance vers un homme ou une femme.
Jérôme Hernandez(22) et Françoise Stutz(23) mentionnent que
les anneaux de type 300 de la typologie de René Legoux et
Patrick Périn sont systématiquement découverts à hauteur de
l’oreille gauche des hommes. Ceux prélevés à Saint-Laurentdes-Hommes, à Toulouse et dans les sépultures 217 et 267
du Vernet étaient effectivement placés du côté gauche du
crâne. Par contre, le pendant de la tombe 102 de ce dernier
site a été mis au jour à droite de la tête.
Si J.-C. Arramond reste plus perplexe sur la présence de
cette forme de bijoux dans la nécropole de Toulouse(24), pour
J. Hernandez et F. Stutz, il ne fait aucun doute que les sépultures
où elles ont été mises au jour renfermaient des membres de
l’aristocratie militaire danubienne, venus s’installer dans le
sud-ouest de la Gaule(25). Les cinq sépultures qui contenaient
ces pendants dateraient entre la seconde moitié du Ve siècle
et la première moitié du VIe siècle(26). Cela correspond à la
période « post-hunnique », définie par M. Kazanski, appelée
également « Mérovingien Ancien » dans la périodisation de
René Legoux, Patrick Périn et Françoise Vallet(27).
À cette époque, les Huns constituent une confédération
de peuples nomades et sédentaires issus de la steppe,
composée à la base d’un petit noyau de dirigeants guerriers
puis, étendue en intégrant dans leurs rangs des guerriers de
différents peuples qu’ils ont vaincus au fil de leur migration,
ainsi que d’autres « Barbares » cherchant une alliance avec
les Huns(28). Mis à part durant le règne d’Attila, les Huns n’ont
jamais formé un peuple uni ou centralisé. Il s’agit de groupes
disparates de combattants, qui ont en commun leur capacité
à s’agréger aux peuples vainqueurs, sans nécessairement
perdre leur identité particulière. Les armées romaines sont
également constituées de différents peuples et individus,
puisque la bataille des champs Catalauniques, en 451,
voit l’armée composite d’Attila affronter l’armée romaine,
composée de Goths, de Francs, de Bretons, de Sarmates,
de Burgondes, de Saxons, d’Alains et de Romains(29).
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Après la mort d’Attila en 453, son empire, fondé sur des
victoires militaires, ne peut surmonter l’épreuve de la défaite
et se démantèle rapidement. Il n’y a donc pas de domination
hunnique en Gaule, qui aurait imposé ses coutumes et sa
mode vestimentaire. Les personnes inhumées avec des
pendants en forme de croissant seraient alors peut-être des
membres de cette aristocratie militaire, qui auraient gardé le
port de cette boucle d’oreille comme un signe distinctif de leur
ancienne appartenance à « l’armée romaine barbarisée »(30).
Sur les cinq pendants présentés dans cet article, trois étaient
déposés dans une sépulture d’adolescents, un dans celle d’un
adulte, par contre, le squelette de la cinquième tombe ayant
disparu à cause de l’acidité du sol, empêche toute précision
sur ce sujet. Comment savoir si ces jeunes défunts étaient déjà
enrôlés dans une armée avant leur mort ? Les autres artefacts
présents dans la sépulture ne permettent pas de formuler des
hypothèses puisque, quand il y en a, il s’agit uniquement
d’éléments de ceinture et non relatifs à l’armement. Leur
jeune âge laisse planer le doute, puisque c’est à partir de
l’adolescence que les jeunes hommes reçoivent les armes qui
les font entrer dans la vie d’adulte(31). Il peut également s’agir
simplement d’un don, d’un achat ou d’un échange, effectué
par un parent proche de ces personnes. Ce parent était-il
lui-même un militaire venu de la région du Danube, qui se
serait ensuite installé dans les communautés du Vernet ou
de Toulouse ? Ou est-ce que le port de cet objet n’avait tout
simplement rien à voir avec le domaine militaire ? Pour ces
cinq personnes inhumées avec ces types d’anneaux, on ne
peut malheureusement rien affirmer sur ces hypothèses.
.............................................................
(21)
(22)
(23)
(24)
(25)
(26)
(27)
(28)
(29)
(30)
(31)
Paya 2014, vol. 2, p. 217 ; 463 ; 563.
Paya 2014, vol. 1, p. 94.
Stutz 2003, vol. 1, p. 166.
Arramond 1997, p. 26.
Stutz 2003, vol. 1, p. 166 ; Paya 2014, vol. 1, p. 168-173 ;
Scuiller et Calmettes 2015, vol. 1, p. 120.
Chronologie relative obtenue à partir de la durée d’occupation des
nécropoles où se trouvaient les anneaux, et des quelques objets
présents dans les sépultures (une plaque-boucle en alliage cuivreux
et une boucle en fer dans la sépulture 1539 de Saint-Laurent-desHommes, une agrafe dans la tombe 509 de Toulouse, une boucle de
ceinture et son ardillon dans les sépultures 102 et 267 du Vernet).
Legoux et al. 2016, p. 56.
Geary 2004, p. 121-122. D’autres auteurs, dont Iaroslav Lebedynsky,
ont réalisé de nombreux travaux au sujet des Huns. Par exemple, on
peut citer, parmi les ouvrages de ce dernier, Les Nomades, les peuples
nomades de la steppe des origines aux invasions mongoles (IXe siècle
av. J.-C. - XIIIe siècle apr. J.-C.), Paris, Editions Errance, 2007, 303 p.,
ainsi que La campagne d’Attila en Gaule, 451 apr. J.-C., ClermontFerrand, Lemme edit, 2011, 103 p.
Geary 2004, p. 127.
Pilet et al. 1994, p. 111.
Deflou-Leca et Dubreucq 2003, p. 259.
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MOYEN ÂGE
Ces boucles d’oreilles ont pu parvenir en Gaule par d’autres
moyens. M. Kazanski constate lui-même que ces formes
de parure « ont toujours été découvertes sur des sites où
la population indigène n’a pas eu de contact direct avec
ces peuples [orientaux] »(32). Les personnes inhumées avec
ces anneaux pouvaient être des hauts membres de la
communauté dans laquelle ils vivaient, qui auraient, par
exemple, reçu cet artefact en cadeau ou lors d’un échange
diplomatique. Ou bien, il pouvait s’agir de marchands qui
auraient acheté ou fait importer ce genre de parure.
Il pourrait également s’agir d’objets qui auraient été fabriqués
en Gaule. En effet, ils auraient pu être fabriqués sur place,
après l’installation des différents peuples d’Europe, ou un
orfèvre aurait pu s’inspirer d’un modèle en forme de croissant,
qu’il aurait rencontré au fil de ses pérégrinations pour
s’approvisionner en matières premières ou pour rechercher de
nouvelles formes à réaliser. La diffusion d’une forme ou d’une
catégorie de bijoux passe avant tout par la circulation des
artisans et des hommes. Une fois la maîtrise de la conception
du pendant d’oreille acquise, l’orfèvre peut reproduire à
volonté ces objets. Il n’y a donc pas besoin du déplacement
entier d’un peuple pour voir circuler des modèles d’artefacts.
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CONCLUSION
La carte dressée par M. Kazanski en 1994 (Fig. 10) montre
que les sites où ont été découverts des anneaux en forme de
croissant étaient absents du sud-ouest de la Gaule. Dans ce
document, le point le plus méridional de la Gaule était situé
à Vienne. Depuis, au moins trois sites ont livré des pendants
de ce type. Il s’agit de Toulouse, fouillé entre 1994 et 1996,
Le Vernet, exploré en 2004, et Saint-Laurent-des-Hommes,
étudié en 2010. Le Vernet a permis de récolter trois de
ces boucles, tandis que les deux autres sites n’ont révélé, à
chaque fois, qu’un seul bijou de ce style. Cela porterait donc
actuellement à cinq le nombre d’occurrences de cette forme
d’élément de parure retrouvé dans le sud-ouest de la France.
La fabrication des anneaux en forme de croissant découverts
dans la zone d’étude est très certainement influencée par la
coutume dite danubienne. Elle a pu être véhiculée, au début
des migrations de peuples en Occident au cours du Ve siècle,
par le biais des armées. Mais, parmi les populations qui ont pu
traverser la Gaule depuis le bassin du Danube moyen, aucune
d’entre elle ne s’est imposée dans le sud-ouest de la Gaule,
dans la fenêtre d’étude concernée par le mémoire de recherche.
Il ne s’agit donc pas d’une domination mais d’une influence
de cette tendance, qui reste légère, puisqu’elle ne concerne
que cinq éléments de parure sur les 69 que compte l’inventaire
établi(33). Peut-être est-ce, comme le suggère M. Kazanski, une
« survivance des traditions vestimentaires de l’armée romaine
barbarisée »(34), qui aurait perdu sa fonction première de signe
distinctif des membres de l’armée, pour se transformer en une
façon de se parer, accessible à toutes les classes d’âges depuis
l’adolescence. Il est impossible d’affirmer si cette coutume
était réservée aux hommes puisque, bien souvent dans les
publications, le sexe des défunts accompagnés de pendants
de type nomade n’a pas pu être déterminé.
.............................................................
(32) Pilet et al. 1994, p. 110.
(33) Méry 2017.
(34) Pilet et al. 1994, p. 111.
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Fig. 10 – Carte de répartition des boucles d’oreilles en forme de
croissant réalisée en 1994 par M. Kazanski, avec ajout des sites
découverts depuis dans le sud-ouest de la Gaule. (Source : Pilet et al.
1994, p. 107 ; ajouts : S. Méry).
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Il faut ajouter à cela les pendants recensés par F. Stutz
dans sa thèse, découverts à Villarzel-Cabardès, dans
l’Aude, en 1969, ainsi qu’à Courbillac, en Charente, en
1889(35). Un dernier exemplaire, enfin, a été mis au jour à
Souilhe, également dans l’Aude, sur le site de La Mézière(36)
(Fig. 11). Il n’est pas exclu que d’autres exemplaires aient
été trouvés ailleurs dans la vaste Aquitaine médiévale et
n’aient pas été répertoriés jusqu’à présent.
MODERNE
CONTEMPORAINE
Les boucles d’oreilles témoignent des différentes diffusions
culturelles qui se sont propagées, en Europe, à l’époque
mérovingienne et dont a bénéficié l’Aquitaine médiévale. Les
pendants d’oreilles, au même titre que les atours de l’époque
mérovingienne, ont évolué et sont devenus rapidement
hétérogènes, sans qu’il ne soit obligatoirement question de
particularités ou de mélanges ethniques. Il s’agit simplement
d’une acculturation de la tendance des bijoux d’oreilles d’une
époque, portés tant par les adultes que par les jeunes gens.
Les boucles d’oreilles peuvent avoir diverses significations
possibles. La façon dont on obtient ces objets (achat, don,
héritage, butin) et le moment de la vie qui correspond à
cette acquisition peuvent modifier leur(s) sens. Les bijoux
sont en premier lieu des objets marchands. Au moment de
leur confection, l’orfèvre ne les destine pas à une action
particulière, mis à part peut-être d’en faire des attributs
esthétiques, destinés à être vus, à attirer le regard.
Fig. 11 – Boucle d’oreille en croissant du site de La Mazière à Souilhe
(Aude). (Source : Lebedynsky 2012, pl. XI).
Cette étude de cas a tenté de démontrer que les différents
modèles de boucles d’oreilles ne traduisent pas forcément
divers faciès culturels. En effet, les types présents en Europe
à l’époque alto-médiévale ont plus ou moins coexisté dans le
temps et l’espace(37). Les anneaux en forme de croissant sont
répartis sur toute l’Europe entre le Ve et le VIIe siècle. La présence
de ces formes n’était pas due à la domination politique d’un
peuple sur un autre. L’ethnogenèse désigne une entité politique
et une territorialisation des peuples(38). Mais ces derniers
avaient des origines culturelles, linguistiques et géographiques
diverses. Les Francs, les Goths, les Huns... étaient de petits
clans, assez minoritaires, qui transportaient avec eux un
nom identitaire, ainsi qu’un « noyau de traditions » servant de
support à cette identité, et auxquels se rattachaient ensuite des
groupes de personnes qui ne parlaient pas la même langue,
n’avaient pas les mêmes coutumes et définissaient leur identité
par rapport à des traditions différentes. Aux IVe et Ve siècles,
la signification de ces noms ethniques a considérablement
changé. Ces noms sont des « étiquettes », dont le contenu a
varié au fil du temps(39). Michel Rouche parle même d’« armées
errantes » aux « déplacements continuels »(40). Les habitants
des régions sont divisés en fonction de leur appartenance à
une couche sociale particulière et non plus en raison de leur
langue, de leurs coutumes ou de la loi.
Cahiers LandArc N°28
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Mais, passé ce premier niveau de lecture, les pendants sont des
sortes de langages codifiés. Ils peuvent être considérés par ceux
qui les portent comme des signes de protection, des trophées
pour récompenser le mérite guerrier… Les bijoux, ainsi placés
aux oreilles, participent à la vie sociale de leur propriétaire.
Ils sont un médiateur entre cette personne et son groupe, ou avec
le reste de la communauté. Les boucles d’oreilles deviennent
alors des signes d’identité collective plus qu’individuelle. Selon
l’expression de Thierry Bonnot : « les objets ne sont pas ce pour
quoi ils ont été faits, mais ce qu’ils sont devenus »(41).
Ainsi, les boucles d’oreilles en forme de croissant pourraient
être portées en signe d’appartenance à une même
communauté, mais il faut aujourd’hui nuancer l’affirmation
selon laquelle ces personnes appartenaient à l’aristocratie
militaire. Nous avons mis en avant que les cinq cas présentés
dans cet article ne contenaient pas d’armes pouvant justifier
.............................................................
(35) Stutz 2003, vol. 1, p. 166, omis par M. Kazanski sur sa carte.
(36) Lebedynsky 2012, pl. XI. Document fourni par J.-P. Cazes.
(37) Méry 2017, p. 276. Quelle que soit l’origine ethnique des peuples
ayant vécu en Gaule et dans les régions limitrophes (franque,
wisigothique, ostrogothique, lombarde ou issue du bassin du Danube
moyen), les fouilles archéologiques mettent régulièrement au jour des
boucles d’oreilles à polyèdre, à corbeille, à fil torsadé...
(38) Deflou-Leca et Dubreucq 2003, p. 98-99.
(39) Geary 2004, p. 150.
(40) Rouche 2003, p. 29.
(41) Bonnot 2014, p. 202, la citation originale : « Objects are not what
they were made to be but what they have become » est extraite de
N. Thomas, Entangled objects : exchange, material culture, and
colonialism in the Pacific, Cambridge, Harvard University Press,
1991, 260 p.
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l’appartenance à un statut guerrier particulier. Au Ve siècle,
les Wisigoths sont installés en Aquitaine suite à la signature
d’un foedus leur accordant une terre et une quantité de
blé fixe chaque année, en échange d’une aide militaire
envers les généraux romains(42). M. Kazanski constate que
les tombes des Goths se caractérisent par une absence
d’armes. D’après lui, ce fait pourrait correspondre à
l’existence d’un tabou concernant les outils et les armes en
fer dans les sépultures, à l’exception des couteauxs(43). Ces
armes auraient pu être considérées par les Goths comme
particulièrement maléfiques pour leurs défuntss(44).
De ce fait, même si les Wisigoths sont considérés comme
membres d’un peuple belliqueux, avec un nombre de noncombattants (femmes, enfants et vieillards) réduit, quelles sont
les preuves que les personnes inhumées avec les anneaux en
forme de croissant possédaient un statut guerrier particulier ?
Pourquoi ne sont-ils que des cas isolés à arborer ce type
d’artefact dans les nécropoles où ils ont été enterrés ? Il serait
intéressant de faire un réexamen des tombes dans lesquelles
ces boucles d’oreilles ont été découvertes en France et en
Europe, pour voir si quelques armes ont pu être mises au
jour, afin de démontrer la condition sociale des défunts
au moment de leur mort. Nous savons notamment que la
sépulture 719 de de Saint-Martin-de-Fontenay ne contenait
pas d’autre mobilier archéologique que le pendant.
Enfin, il convient de s’interroger sur la façon dont les
populations ont pu acquérir ces bijoux. D’après M. Kazanski,
comme les Wisigoths sont un groupe social de guerriers très
minoritaires, ils sont exclus des activités économiques(45).
Ils utiliseraient alors des objets fabriqués par d’autres,
généralement par des artisans locaux, du matériel importé
ou issu du pillage de la population autochtone. Comment
les défunts de Saint-Laurent-des-Hommes, de Toulouse et du
Vernet ont-ils alors acquis leurs anneaux en forme de croissant
? Avaient-ils tous donné la même signification à ces éléments
de parure ? Ces pendants ont-ils le même sens que ceux
de même typologie mis au jour dans le Nord et l’Est de la
France, où vivent d’autres peuples ?
M. Kazanski met en avant le rôle décisif de l’aristocratie dans
le prestige de la région danubienne aux Ve et VIe siècles(46).
La mode danubienne, d’abord adoptée par l’aristocratie
seule, s’est ensuite diffusée dans le reste de la population.
Il paraît donc plus prudent, pour l’instant, de voir dans les
anneaux en forme de croissant, découverts en Gaule, une
façon de se parer, accessible à diverses classes d’âges, et
dont la signification nous échappe.
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MODERNE
CONTEMPORAINE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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